10h-11H30

Animé par Sarah BENABOU

 

La question de l’autochtonie occupe une place centrale dans les considérations relatives à la conservation de la nature.

Si conservation a longtemps rimé avec spoliation – de nombreux parcs, à commencer par Yellowstone, ont été créés en chassant les populations résidentes – les grands traités internationaux, notamment la Convention sur la diversité biologique (1992), ont tenté de rectifier le tir. Ce dernier reconnait explicitement le rôle de premier plan des « communautés autochtones et locales » et l’importance de garantir leurs « modes de vie traditionnels » qui présentent un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique (article 8j). Si l’on observe, de fait, un recoupement entre zones de forte biodiversité et territoires autochtones, de nombreuses recherches en anthropologie ont cependant montré qu’il fallait se garder de tout romantisme, démonisation, c’est-à-dire simplification de cette relation. Pourquoi ? À l’instar de la paysannerie analysée par Bourdieu (1977), les populations autochtones sont un exemple même de la classe-objet, prétexte à préjugés favorables ou défavorables, mais rarement pensée par et/ou pour elle-même. Si donc ces dernières ont pu être longtemps taxées de prédatrices, elles ont aussi été idéalisées via le mythe du « bon sauvage » ou de « l’Indien écologiste » (S. Krech), une production occidentale qui apparaît au tournant des années 1970 aux États-Unis à un moment où la contestation sociale et l’essor de la contre-culture vont exalter les valeurs écologiques des premiers Indiens pour mieux dénoncer en creux l’homme blanc pollueur et destructeur. Une fois débarrassés de ces discours sur l’autre, les travaux en anthropologie pointent désormais dans deux grandes directions. D’une part, dans la veine du tournant ontologique amorcé par P. Descola, ils s’intéressent à la manière dont ces groupes perçoivent, conçoivent et interprètent l’univers et leur place au sein de celui-ci. Un résultat important est l’observation selon laquelle la conservation, telle qu’on l’entend aujourd’hui, est un concept qui n’a aucun sens dans des sociétés où le dualisme nature-culture n’existe pas, ce qui ne signifie pas pour autant que ces sociétés n’ont pas une relation intime et attentive à la pérennité du collectif auquel elles appartiennent, ni qu’elles soient incapables de se saisir de ce concept. De fait, et c’est l’objet de travaux davantage tournés vers une anthropologie plus politique, ces groupes ne sont en aucun cas figés ou hors de l’histoire. Comme le reste du monde, ils subissent et se transforment au gré des répercussions mal maîtrisées de la « modernité », et, peut-être plus qu’ailleurs, des assauts d’une économie souvent prédatrice. La conservation, à laquelle ils restent bon an mal an toujours rattachés, apparaît alors comme une ressource stratégique majeure de légitimité, notamment dans le cadre de conflits fonciers et/ou identitaire.

Au programme :

Conservation de la biodiversité et crise de l’État-Nation : conflits politiques et identitaires à propos des aires protégées ivoiriennes au XXIe siècle

Vincent LEBLAN

Conservation de la biodiversité, rôle rituel et promotion sociale en Inde : le cas des Paliyar et de leurs relations aux animaux de la forêt (Tamil Nadu)

Romain SIMENEL

 

le programme en pdf (inclue le lien vers zoom) :

Publié le : 04/09/2023 14:22 - Mis à jour le : 04/09/2023 14:47

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